Référence : CA Bordeaux, premiere ch. civ. - sect. a, 7 févr. 2012, n° 10/05008

Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux

Numéro(s) : 10/05008

Sur renvoi de : Cour de cassation, Deuxième Chambre Civile, 8 juillet 2010, N° 1457 F-D

Sur les personnes

Avocat(s) : Charles LAGIER, Jacques GRANDON

Cabinet(s) : SCP LUC BOYREAU AVOCAT

Parties : ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREE DE CHAVANAT - ACCA DE CHAVANAT

représenté par la SCP RIVEL-COMBEAUD, avoués à la Cour, et assisté de Maître Jacques GRANDON, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDERESSE :

ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREE J – I J, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Mairie J – 23250 CHAVANAT

représentée par la SCP BOYREAU – MONROUX, avoués à la Cour, et assistée de Maître Charles LAGIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 décembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Paule LAFON, président,

Jean-Claude SABRON, conseiller,

Thierry LIPPMANN, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

FAITS ET PROCEDURE ANTERIEURE :

M E Y qui avait obtenu de façon continue depuis douze ans chaque année une carte de membre étranger délivrée par l’association communale de chasse agréée J (Creuse) s’est vu rejeter sa demande de carte pour la saison de chasse 2005 – 2006 par une délibération du conseil d’administration de cette dernière en date du 11 mai 2005.

Par acte d’huissier en date du 28 novembre 2005, M Y a fait assigner L’I J devant le tribunal de grande instance de Guéret aux fins de voir déclarer nulle cette délibération qui a rejeté sa demande d’adhésion, se voir attribuer une carte de membre étranger pour la saison de chasse 2005 – 2006 et se voir allouer une somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts et 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 9 janvier 2007, le tribunal de grande instance de Guéret a :

— débouté M Y de l’ensemble de ses demandes

— condamné M Y à payer à l’I J la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Statuant sur l’appel interjeté par M Y, la cour d’appel de Limoges a, par arrêt en date du 10 mars 2009, infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Guéret et statuant à nouveau :

— annulé la décision de rejet de la demande d’admission de M Y comme membre de l’I J

— condamné l’I J à payer à M E Y la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts et 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi formé par l’I J, la Cour de Cassation a par arrêt en date du 8 juillet 2010 cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Limoges et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Bordeaux afin qu’il soit à nouveau fait droit.

La Cour de Cassation a retenu que pour annuler la décision de l’I J et condamner celle ci à payer des dommages-intérêts à M Y l’arrêt énonce que les demandes d’admission sont formulées par écrit et adressés avant le 1ier avril de chaque année au président de l’association ; que M Y a reçu du président de l’association un courrier libellé comme suit : suite à la réunion du conseil d’administration en date du 11 mai 2005, je vous informe que demande de carte d’étranger a été rejetée pour la saison 2005 – 2006 au sein de notre I ; que l’I ne démontre pas que la candidature de M Y n’était pas recevable faute de lui avoir été adressée avant le 1ier avril 2005 ; que le rejet de la candidature de M Y est intervenu en violation des statuts de l’I.

La Cour de Cassation a considéré qu’en statuant ainsi , alors qu’il appartenait à M Y, candidat à l’adhésion à l’I de démontrer la recevabilité de sa demande d’adhésion en établissant l’avoir adressée avant la date limite fixée par les statuts, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil.

SAISINE DE LA COUR D’APPEL DE RENVOI :

Par déclaration en date du 4 août 2010, M Y a saisi la cour d’appel de renvoi dans des conditions de régularité qui ne sont pas contestées.

A l’appui de sa saisine M Y soutient que :

— il ne peut être contesté qu’il a bien présenté une demande de carte de chasse au titre de la saison 2005 – 2006 puisque son courrier a été réceptionné le 11 mars 2005

— elle a été nécessairement présentée avant le 1ier avril 2005 puisqu’elle a été examinée et que selon l’article 6 des statuts, l’I ne doit statuer que sur les demandes recevables

— aucune obligation n’est faite au candidat de conserver la preuve de l’envoi de sa demande

— les actes déclaratifs qui ont été signifiés devant la cour d’appel de Bordeaux confirment cette réception puisqu’il a été expliqué que cette demande n’avait pas été conservée en dépit de l’obligation qui pesait à ce titre sur l’I qui manifestement préfère ne pas produire cette demande adressée dans les délais

— compte tenu du nombre de demandes de cartes de chasse (au minimum 15 demandes) selon le procès verbal du conseil d’administration du 11 mai 2005 et dés lors que le taux de 10 % du nombre des membres de l’I était dépassé il convenait en application de l’article 6 des statuts d’opérer un tirage au sort qui n’est pas intervenu ainsi qu’établi par les témoignages de M G Y et celui de M Z

— la délibération du conseil d’administration du 11 mai 2005 doit donc être annulée

— il doit en outre lui être alloué une somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant dans la privation de la possibilité de chasser sur le territoire de l’I, outre 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’I J réplique que :

— l’article 6 de ses statuts est conforme aux dispositions de l’article R 422 – 63 6° du code de l’environnement qui dispose de la fixation à 10 % au moins du pourcentage du nombre total des adhérents des titulaires du permis de chasser n’entrant dans aucune des catégories mentionnées au I de l’article L 422 – 21 du dit code

— M C Y ne remplit aucune des conditions prévues à l’article L 422 – 21 – I du code de l’environnement pour être membre de droit de l’I étant domicilié à Montluçon ce qui lui permet d’adhérer à deux I, celle de Montluçon et celle de Saint Sulpice les Champs en sa qualité de propriétaire de terrains

— l’admission de chasseurs extérieurs est destinée à favoriser l’accès à la chasse de ceux qui sont privés de territoire de chasse ou ne possèdent pas de racines rurales

— en la matière il n’existe pas de droit acquis et l’admission des chasseurs est annuelle

— M Y était astreint à respecter les exigences de l’article 6 des statuts

— il lui appartient de rapporter la preuve qu’il a adressé sa demande de carte avant le 1ier avril 2005, dés lors que la Cour de Cassation a censuré la cour d’appel de Limoges pour avoir inversé le fardeau de la charge de la preuve à ce titre

— le jugement du tribunal de grande instance de Guéret sera donc confirmé

— il lui sera alloué la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

— M Y sera condamné aux dépens d’instance et d’appel y compris ceux de l’arrêt cassé.


 

MOTIFS :

Aux termes de l’article 6 des statuts de l’I J, l’association doit comprendre obligatoirement un pourcentage minimum de 10 % de titulaires du permis de chasser n’entrant dans aucune des catégories de l’article 4 tels que visés par les dispositions de l’article R222 – 63 – 6° du code de l’environnement.

Les demandes d’admission, en application de ce même texte, sont formulées par écrit et adressées avant le 1ier avril de chaque année au président de l’association .Celui ci, sur décision du conseil d’administration et après tirage au sort s’il y a plus de candidatures recevables que de places disponibles, retient les candidatures et en avise, avant le 15 mai les intéressés dont l’admission prend effet pour une année seulement, à compter du 1ier juillet suivant.

Il résulte de ces dispositions que si la demande de délivrance d’une carte de chasse doit intervenir par écrit, elle n’est soumise à aucun formalisme complémentaire. Dés lors il doit être considéré que la preuve de l’envoi de la demande qui incombe nécessairement au déposant peut être rapportée par tous moyens.

En l’espèce il apparaît que la correspondance de notification du rejet de la demande de carte de chasse présentée par M Y datée du 11 mai 2005 et rédigée en termes elliptiques par le président de l’association se borne à lui faire part du rejet de celle ci, sans indiquer de quelconques motifs notamment liés à sa recevabilité au regard du respect des délais de dépôt de celle ci.

Par ailleurs, il apparaît du procès verbal de délibération du conseil d’administration de l’association du 11 mai 2005 que onze demandes de carte de chasse ont été reçues en application de l’article 6 des statuts de l’association. Il indique en outre que sur ces onze demandes six d’entre elles ont été retenues avec indication de leurs bénéficiaires et qu’en revanche cinq d’entre elles ont été rejetées et spécialement celle de M E Y nommément cité.

Il découle donc de la lecture de ce procès verbal que la demande de carte de chasse présentée par M Y était nécessairement recevable comme déposée avant le 1ier avril 2005 puisqu’elle a manifestement été prise en compte parmi les candidatures. La preuve du dépôt de la demande de carte avant le 1ier avril 2005 est également confortée par la production d’un récepissé de lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 mars 2005 adressée par M Y à l’ I J

Dés lors, si le conseil d’administration n’était pas tenu de motiver sa décision de rejet de la demande de carte de chasse de M Y, il n’en demeurait pas moins astreint aux règles d’octroi de celles ci mentionnées dans l’article 6 des statuts qui prévoient que lorsque il y a plus de candidatures recevables que de places disponibles, comme il n’est pas contesté par l’association que c’était le cas en l’espèce, il doit y avoir lieu à tirage au sort.

Il résulte de la lecture du procès verbal du conseil d’administration du 8 mai 2005 et du témoignage de M G Y et de M A Z qui y assistaient respectivement en qualité de membre du conseil d’administration et de trésorier que l’attribution des cartes est intervenue sans tirage au sort au mépris des dispositions précitées de telle sorte que M Y est fondé à se prévaloir du caractère non avenu de la délibération précitée en ce qu’elle a rejeté sa demande d’attribution de carte de chasse pour la saison 2005 – 2006 , étant souligné en outre que l’I J ne peut justifier de son refus au regard des dispositions de l’article L 422 – 21 – 1 du code de l’environnement en se prévalant du fait qu’il est membre de droit d’une autre I ou remplit les conditions pour le devenir dés lors qu’elle n’établit pas ces éléments.

Par ailleurs la privation de carte de chasse qu’il a subie au sein de l’I J dans laquelle il chassait depuis douze ans lui a causé une privation de jouissance qui justifie l’allocation d’une somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur les bases précitées.

L’équité commande en outre d’allouer à M Y la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’I J qui succombe en son appel sera tenue aux dépens d’instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Infirme le jugement entrepris

Statuant à nouveau

Déclare non avenue la délibération du conseil d’administration du11 mai 2005 en ce qu’elle a rejeté la demande de carte de chasse pour la saison 2005 – 2006 présentée par M E Y

Condamne l’I J à payer à M Y :

— la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts

— la somme de 1500 € en application de l’ article 700 du code de procédure civile.

Condamne l’I J aux dépens d’instance et d’appel et en accorde distraction à la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoué, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Marie-Paule LAFON, président, et par Madame Annick BOULVAIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


 


 


 

ALORS D'UNE PART QUE les demandes d'adhésion à une association communale de chasse agréée formées par les candidats qui ne remplissent pas les conditions pour être membres de droit au sens de l'article L 422-21-I du Code de l'environnement sont librement appréciées par le conseil d'administration de l'association communale de chasse agréée qui n'a pas à justifier sa décision ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles L 422-21-II, R 422-63 6° du Code de l'environnement et 6 des statuts de l'ACCA de Chavanat ;

 


 


 

L’I J réplique que :

— l’article 6 de ses statuts est conforme aux dispositions de l’article R 422 – 63 6° du code de l’environnement qui dispose de la fixation à 10 % au moins du pourcentage du nombre total des adhérents des titulaires du permis de chasser n’entrant dans aucune des catégories mentionnées au I de l’article L 422 – 21 du dit code

— M C Y ne remplit aucune des conditions prévues à l’article L 422 – 21 – I du code de l’environnement pour être membre de droit de l’I étant domicilié à Montluçon ce qui lui permet d’adhérer à deux I, celle de Montluçon et celle de Saint Sulpice les Champs en sa qualité de propriétaire de terrains

— l’admission de chasseurs extérieurs est destinée à favoriser l’accès à la chasse de ceux qui sont privés de territoire de chasse ou ne possèdent pas de racines rurales

— en la matière il n’existe pas de droit acquis et l’admission des chasseurs est annuelle

— M Y était astreint à respecter les exigences de l’article 6 des statuts

— il lui appartient de rapporter la preuve qu’il a adressé sa demande de carte avant le 1ier avril 2005, dés lors que la Cour de Cassation a censuré la cour d’appel de Limoges pour avoir inversé le fardeau de la charge de la preuve à ce titre

— le jugement du tribunal de grande instance de Guéret sera donc confirmé

— il lui sera alloué la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

— M Y sera condamné aux dépens d’instance et d’appel y compris ceux de l’arrêt cassé.


 

 

LA COUR

Infirme le jugement entrepris

Statuant à nouveau

Déclare non avenue la délibération du conseil d’administration du11 mai 2005 en ce qu’elle a rejeté la demande de carte de chasse pour la saison 2005 – 2006 présentée par M E Y

Condamne l’I J à payer à M Y :

— la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts

— la somme de 1500 € en application de l’ article 700 du code de procédure civile.

Condamne l’I J aux dépens d’instance et d’appel et en accorde distraction à la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoué, en application de l’article 699 du code de procédure civile.


 


 


 


 


 

 

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